Entrevue avec le Dr Brent Richards : la métabolomique dans l’ÉLCV

Wednesday, Septembre 11, 2019

Le Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF), l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (ÉLCV), l’Institut de recherche McMaster sur le vieillissement (MIRA) et la société Metabolon inc. ont formé un partenariat pour la réalisation d’un programme de recherche de 4 millions de dollars. Dans le cadre de ce programme, Metabolon mettra à profit sa plateforme métabolomique exclusive pour analyser des échantillons de sang tirés de l’étude sur le vieillissement la plus vaste et exhaustive au Canada.

Nous avons rencontré Brent Richards, M. D., M. Sc., de la Faculté de médecine de l’Université McGill, pour discuter de cette collaboration étudiant la santé de la population canadienne afin de caractériser les biomarqueurs associés à la fragilité. Ces derniers pourraient permettre de comprendre pourquoi certaines personnes vivent avec une fragilité ainsi qu’à définir la gravité de la fragilité et les mesures à prendre pour éviter cette condition.

1. Dr Richards, quel intérêt portez-vous à cette étude sur la fragilité? Et pourquoi croyez-vous que la métabolomique fait partie intégrante de ce projet?

Je m’intéresse aux causes biologiques des maladies liées à la fragilité. La métabolomique offre une occasion sans précédent d’étudier les petites molécules présentes dans la circulation sanguine susceptibles d’influencer la fragilité et les maladies connexes. Les nouvelles technologies, comme celles qui sont déployées par Metabolon, permettent d’examiner des centaines de biomarqueurs différents. En plus, de telles études ne présupposent pas qu’un biomarqueur en particulier est important pour la fragilité. Elles permettent plutôt d’étudier l’ensemble des métabolites qui ont une influence sur la fragilité et les maladies qui lui sont associées.

2. Comment l’identification de métabolites permettra-t-elle d’améliorer la prédiction précoce de la fragilité? Et comment cela permettra-t-il aux professionnels de la santé d’agir en conséquence?

En médecine, il existe de nombreux exemples de biomarqueurs qui permettent de prédire le risque de développer une maladie. Par exemple, un taux de cholestérol élevé permet d’identifier les personnes susceptibles de faire une crise cardiaque. Cela peut s’avérer particulièrement utile pour des maladies pour lesquelles les professionnels de la santé peuvent faire quelque chose, comme c’est le cas pour la fragilité. De telles informations peuvent aider à planifier les ressources nécessaires et à identifier les individus ayant besoin de soins accrus pour faire face à la morbidité et à la mortalité associées à la fragilité. Enfin, les biomarqueurs associés à une maladie peuvent parfois servir de cibles thérapeutiques pour le développement de médicaments, ce qui, conséquemment, peut aider les patients en prévenant les maladies associées à la fragilité.

3. Votre travail en génétique occupe une place importante dans votre carrière et la métabolomique est de plus en plus populaire comme lien révélant des pistes de solutions exploitables. Pouvez-vous nous faire part de votre opinion sur la complémentarité de ces domaines?

Ces technologies en « -omiques » sont hautement complémentaires. En effet, les taux de métabolites sont souvent étroitement liés à la variation génétique. Si on peut identifier avec fiabilité la variation génétique qui influence le niveau d’un métabolite, il devient alors possible de vérifier si cette même variation génétique a une influence sur la fréquence d’apparition d’une maladie. Cette vérification peut alors être effectuée même dans les études qui n’ont pas mesuré le métabolite, mais qui ont mesuré la variation génétique. Comme plusieurs variantes génétiques associées à des maladies sont maintenant connues, cette étude pourra rapidement nous aider à comprendre si des métabolites ont un lien de causalité avec le risque de fragilité et de maladie.

4. Quand avez-vous entendu parler de la métabolomique pour la première fois? Et pourquoi votre intérêt pour ce domaine a-t-il continué de croître?

Nous travaillons en métabolomique depuis environ cinq ans, en combinant ces données avec la génétique. Il s’agit d’un domaine d’étude fructueux et mes recoupements avec les déterminants génétiques des métabolites et des maladies nous ont permis, entre autres, d’identifier de nouveaux biomarqueurs convaincants pour de nombreuses maladies.

5. Parlez-nous de votre rôle comme coresponsable du groupe de travail Biomarqueurs/génétiques/épigénétiques de l’ÉLCV.

J’ai eu l’occasion de codiriger un groupe composé d’excellents chercheurs et cliniciens canadiens qui souhaitait contribuer à l’amélioration des données recueillies par l’ÉLCV. Nous sommes ravis de saisir toutes les possibilités d’enrichir les données de l’ÉLCV. C’est pourquoi nous collaborons avec des entreprises comme Metabolon. Les données résultant de ces travaux sont à la disposition des chercheurs autorisés et nous espérons que la communauté scientifique utilisera cette importante source de données pour approfondir les connaissances sur le vieillissement et les maladies qui lui sont associées.

Brent Richards
Professeur, Départements de médecine, de génétique humaine, et d’épidémiologie et de biostatistique, Université McGill

Brent Richards est professeur, titulaire de la chaire William Dawson et chercheur clinicien du FRQS à l’Université McGill ainsi que maître de conférences au King’s College London. Formé en génétique, en médecine clinique, en endocrinologie, en épidémiologie et en biostatistique, le Dr Richards s’intéresse aux déterminants génétiques des maladies endocriniennes courantes liées au vieillissement, comme l’ostéoporose et le diabète. Il a également codirigé le plus important programme de séquençage du génome entier visant les maladies courantes (le programme de cohortes UK10K), en plus d’identifier une nouvelle protéine jouant un rôle central dans la formation du squelette et le risque de fractures. Son travail a été reconnu par l’attribution d’une bourse de clinicien-chercheur des IRSC, du prix Maud Menten pour l’excellence en recherche en génétique humaine, ainsi que d’une bourse de jeune chercheur des IRSC/Société canadienne d’endocrinologie et de métabolisme. Le Dr Richards est coresponsable du groupe de travail Biomarqueurs/génétiques/épigénétiques de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement.