Multimorbidité associée à l’incapacité, y compris les troubles de santé mentale : analyse transversale des données démographiques canadiennes

Année :

2017

Demandeur :

Fisher, Kathryn

Établissement :

Université McMaster

Courriel :

fisheka@mcmaster.ca

Numéro de projet :

170319

État d’avancement du projet approuvé :

Complèté

Résumé du projet

Cette étude améliorera notre compréhension du lien entre l’incapacité et les troubles de santé mentale qui coexistent chez les personnes atteintes de maladies chroniques. La dépression, un trouble de santé mentale commun, entraîne plus d’années de vie perdues à cause d’une incapacité que tout autre problème de santé. La multimorbidité, c’est-à-dire la coexistence de deux conditions ou plus, est un fardeau mondial de santé associé à un risque accru de décès, d’incapacité et d’hospitalisation. Les troubles de santé mentale qui coexistent avec d’autres conditions physiques peuvent offrir les conditions idéales pour développer une incapacité. Des études récentes montrent que les liens entre la santé physique et l’incapacité sont plus forts en présence de troubles de santé mentale. Cette analyse de 50 000 participants de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement explore comment la coexistence de troubles de santé mentale avec d’autres maladies chroniques influence l’incapacité. Cette étude répond à des appels pour que plus d’études identifiant des modèles communs de multimorbidité soient réalisées et contribue à la littérature limitée sur la multimorbidité chez les adultes canadiens. Les résultats orienteront les chercheurs et les décideurs sur les priorités futures en matière de recherche et d’allocation de ressources.

Résultats du projet

L'étude a utilisé les données de départ de l'ÉLCV recueillies auprès de 51 338 Canadien·nes vivant au sein de la communauté et âgé·es de 45 à 85 ans. Le résultat a été la mesure de l'incapacité à l'aide des limitations autodéclarées dans l'une ou l’autre des 14 activités de base ou instrumentales de la vie quotidienne (AVQ/AIVQ). La multimorbidité a été mesurée à l’aide du nombre d'affections chroniques autodéclarées, capturées à l'aide des réponses des participant·es à la question suivante sur les affections ayant duré depuis plus de 6 mois : « un médecin vous a-t-il déjà dit que vous souffriez de ___ ». Les problèmes de santé mentale ont été inclus dans les problèmes de santé, et l’humeur et l’anxiété déclarées ont été utilisées pour identifier la présence de troubles de santé mentale. La prévalence de l’incapacité à chaque niveau de multimorbidité a été comparée pour les personnes ayant ou non des problèmes de santé mentale, et des analyses stratifiées ont été effectuées pour identifier les facteurs de confusion potentiels (p. ex. l'âge, le sexe, le revenu, l'éducation, le soutien social, les conditions de logement). La régression logistique a été utilisée pour identifier et comparer les rapports de cotes d’incapacité chez les personnes présentant différents niveaux de multimorbidité. Des modèles distincts ont été exécutés pour les personnes chez qui la multimorbidité incluait des problèmes de santé mentale par rapport à celles chez qui la multimorbidité n’en incluait pas, et tous les modèles ont été ajustés pour tenir compte des facteurs de confusion, en plus d’utiliser une catégorie de référence sans problème de santé chronique.

Nous avons constaté que cinquante et un pour cent (51 %) des membres la cohorte étaient des femmes, 58 % avaient entre 45 et 64 ans, 20 % ont déclaré avoir des troubles de l’humeur ou d’anxiété et 10 % avaient une incapacité (c.-à-d. ont déclaré l’existence d’au moins une des 14 AVQ/AIVQ). Trente-cinq pour cent (35 %) des membres de la cohorte ont déclaré avoir une multimorbidité. Les maladies chroniques les plus répandues étant l’arthrite, l’hypertension, le diabète, les affections oculaires et les troubles respiratoires. En moyenne, les participant·es ont déclaré avoir 2,2 problèmes de santé chroniques, dont 2,1 pour ceux/celles qui n’avaient pas de troubles de santé mentale, comparativement à 2,8 pour ceux/celles qui avaient des troubles de santé mentale. 

La proportion de troubles de l'humeur ou de l’anxiété était plus élevée chez les femmes (62,9 % de femmes contre 37,1 % d'hommes), les plus jeunes (66,6 % pour les 45-64 ans contre 33,4 % pour les 65 ans et plus) et les personnes présentant plus de multimorbidité (70,9 % pour 3 problèmes de santé chroniques et plus contre 29.1 % pour 0-2 problèmes de santé). Les restrictions sociales attribuables à la santé étaient plus susceptibles d’être déclarées par les personnes atteintes d’un trouble anxieux ou de l’humeur (14,1 % des personnes atteintes d’un trouble de l’humeur ou d’anxiété par rapport à 5,9 % sans l’un de ces troubles) et l’incapacité était plus susceptible d’être déclarée par les personnes atteintes d’un trouble de l’humeur ou d’anxiété (17,2 % des personnes atteintes d’un trouble anxieux ou de l’humeur par rapport à 8,3 % sans l’un de ces troubles). Pour chaque niveau de multimorbidité, la prévalence de l’incapacité augmentait de façon constante et était plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Il y avait des preuves d’un impact différentiel (plus élevé) sur l’incapacité chez les personnes ayant des problèmes de santé mentale par rapport aux personnes sans problème de santé mentale, en particulier chez celles ayant des niveaux plus élevés de multimorbidité (4 et 5 problèmes de santé chroniques ou plus) et chez les femmes. La prévalence de l’incapacité augmentait avec l’âge pour les deux sexes.

Les résultats de la régression logistique ont montré que les rapports de cotes d’incapacité augmentaient avec l’augmentation des niveaux de multimorbidité. À tous les niveaux de multimorbidité, l’estimation ponctuelle des rapports de cotes d’incapacité était plus faible chez les personnes sans problème de santé mentale que chez celles ayant des problèmes de santé mentale. Le chevauchement des intervalles de confiance était minime à la plupart des niveaux de multimorbidité, et il n’y avait pas de chevauchement pour deux niveaux de multimorbidité (2 et plus de 5). 

En ce qui concerne les rapports de cotes d’incapacité ajustées selon l’âge et le sexe pour les deux groupes, les rapports de cotes pour les personnes sans problème de santé mentale étaient similaires à ceux du modèle initial, mais les rapports de cotes pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale étaient désormais plus élevés à tous les niveaux de multimorbidité et il n’y avait aucun chevauchement des intervalles de confiance à aucun niveau de multimorbidité.

Les analyses des activités de base ou instrumentales de la vie quotidienne (AVQ/AIVQ) effectuées comme des résultats distincts ont montré des résultats similaires aux résultats ci-dessus (résultat composite) : cependant, ces résultats doivent être interprétés avec prudence en raison du petit nombre d’incapacités signalées à différents niveaux de multimorbidité. L’analyse factorielle a démontré que les problèmes de santé mentale se regroupaient avec des problèmes de santé hautement symptomatiques (comme dans l’hypothèse), qui comprenaient des affections respiratoires, des migraines et des troubles intestinaux.

Les résultats de l’étude suggèrent que l’incapacité est plus élevée chez les personnes ayant des problèmes de santé mentale que chez celles qui n’en ont pas, et ce à tous les niveaux de multimorbidité. Cela met en évidence l’impact unique et différentiel de la santé mentale sur l’évolution de l’incapacité, ce qui peut entraîner d’autres conséquences négatives, telles que davantage de défis d’autogestion, une plus grande utilisation des services de santé et une mortalité accrue. Lorsque les symptômes dépressifs ont été pris en compte en plus des problèmes de santé mentale autodéclarés, le risque d’incapacité était plus élevé. La capture des symptômes dépressifs est susceptible de fournir un portrait plus réaliste de l’incapacité à laquelle sont confrontées les personnes atteintes de troubles de santé mentale, car ceux-ci sont souvent sous-déclarées. Il est également important de noter que ces résultats se rapportent à une cohorte canadienne relativement en bonne santé, c’est-à-dire qu’ils pourraient sous-estimer l’impact de la santé mentale sur l’incapacité qui serait observé chez les populations malades.